interview exclusive de pierre gattaz, président du medef interview exclusive de martin bouygues, pdg, groupe bouygues échanges internationaux. quels sont les axes forts de la stratégie de bouygues aujourd’hui ? comment voyez- vous votre « business model» à l’horizon 2025/2030 ? martin bouygues. lorsqu’on me demande ce que sera le groupe dans dix ans, je réponds le plus souvent de façon un peu provocatrice : « je n’en sais rien ». mais nous avons choisi d’être présents dans des secteurs d’activité qui ont un très fort potentiel et qui sont en pleine évolution. aussi, je poursuis en disant que si nous continuons de mettre le client à la première place de nos préoccupa- tions, si nous nous inscrivons dans une dynamique de progrès pour lui offrir le meilleur produit, le meilleur service, en étant meilleurs que le meilleur de nos concurrents, en étant meilleurs aujourd’hui qu’hier et meilleurs demain qu’aujourd’hui, alors, notre avenir sera assuré. c’est ma conviction profonde et je sais que les équipes de bouygues se mobili- sent tous les jours pour relever ce challenge. e.i. comment résumeriez-vous la cohérence de votre approche stra- tégique ? m.b. nos cinq métiers ont tous une caractéristique commune, celle de satisfaire les besoins essentiels de la vie quotidienne : se loger, se dépla- cer, s'informer, communiquer, se divertir. aujourd’hui, les entreprises telles que la nôtre doivent faire face à nos ambitions et nos objectifs sont de concevoir, construire et faire fonction- ner une ville durable et désirable, notamment tous ses réseaux, en nous appuyant sur des technolo- gies performantes et sociale- ment responsables». un triple défi : écologique, démogra- phique et technologique. nous avons donc un objectif stratégique aussi simple qu'ambitieux : apporter au plus grand nombre le progrès dans la vie quotidienne tout en relevant les trois défis que je mentionnais. tel est notre enjeu pour les années à venir. je peux l'exprimer plus concrète- ment : nos ambitions et nos objectifs sont de concevoir, construire et faire fonctionner une ville durable et dési- rable, notamment tous ses réseaux, en nous appuyant sur des technolo- gies performantes et socialement responsables, grâce à notre r&d mais aussi grâce à notre démarche d’open innovation, c’est-à-dire grâce aux participations ou partenariats que nous avons avec les start-ups. enfin, le groupe est entré dans la révolution numérique en réinventant ses méthodes de travail, ses produits et ses offres. à titre d’exemple, la maquette numérique (le bim), les smart grids, l’intelligence artificielle sont des enjeux essentiels que nous considérons comme des opportuni- tés pour nos métiers. e.i. quels sont vos principaux objectifs à l’international pour les années qui viennent ? m.b. la part de l’international dans les activités de construction du groupe est maintenant majoritaire avec 56 % du carnet de commandes de bouygues construction et de colas à fin septembre 2017. par ordre décroissant d’importance, nos principales activités sont en europe (grande-bretagne, suisse), en amérique du nord (états-unis et canada), en amérique centrale, en asie (hong kong, singapour…), en océanie (australie) et enfin en afrique. la croissance internationale se fait principalement par croissance organique mais aussi parfois par croissance externe, notamment dans le domaine des infrastructures routières. c’est ainsi qu’au canada, colas a récemment acquis miller mcasphalt, une très belle société les métiers avec un chiffre d’affaires de 1,3 milliard de dollars canadiens, qui va nous permettre de consolider forte- ment nos positions dans ce pays. pour ce qui est du développement international, nous avons une appro- che très pragmatique. je ne donne jamais d’objectif de chiffre d’affaires ou de part de marché par pays ou par zone géographique. ce serait inadapté à nos métiers et leur ferait prendre des risques inutiles. chacun d’entre eux nous propose un plan straté- gique qui s’appuie sur sa connaissan- ce des marchés. la situation est différente selon : bouygues construction est nomade par essence puisque le btp est une activité de chantier et non une activité industrielle qui nécessiterait des sites pérennes. nous pouvons ainsi être mobiles si besoin, arriver dans un pays et en partir avant les autres. c’est différent en ce qui concerne colas dont l’activité est plus indus- trielle, nécessitant un étroit maillage territorial avec un accès facilité aux matières premières (carrières) et un approvisionnement sécurisé en bitu- me. l’ancrage pérenne de colas dans un pays est donc plus essentiel. en ce qui concerne la promotion immo- bilière qui est un métier risqué, et ce d’autant plus qu’on l’exerce loin de ses bases, l’internationalisation doit être particulièrement prudente. bouygues immobilier ne réalise donc qu’une très faible part de son activité en dehors de france : belgique, pologne et maroc. enfin, bouygues telecom est pour l’instant concentré sur la france tout comme tf1, à l'exception de sa filiale de production newen. e.i. les besoins mondiaux en infrastructures, notamment ceux associés aux exigences de la transi- tion énergétique, sont immenses. quelles sont les ambitions du groupe dans ce domaine ? m.b. nous sommes résolument engagés depuis une douzaine d’années dans une politique de rse ambitieu- se avec pour objectif de rendre la bio express martin bouygues est né en mai 1952, l’année même au cours de laquelle son père francis a fondé le groupe. entré chez bouygues à 22 ans comme conducteur de travaux, il succédera à son père en 1989, devenant ainsi, à 37 ans, l’un des plus jeunes patrons du cac 40. depuis, il n’a cessé de développer les activités du groupe autour de trois pôles d’activité : la construction, les médias et les télécoms avec bouygues telecom qu’il crée en 1996. le groupe bouygues, qui compte aujourd’hui quelque 118 000 collaborateurs, a réalisé pour les neuf premiers mois de 2017 un chiffre d’affaires de 23,8 milliards d’euros (+3 %) et un résultat net part du groupe de 713 millions (+107 %). 5